Sonnets luxurieux III
Celui-ci est vraiment un beau cas long et gros.
Allons ! Si tu veux bien, laisse-moi le voir.
- Nous allons essayer si vous pouvez recevoir
Ce cas au mirely et moi par-dessus.
- Comment ? si je veux essayer ? Comment ? si je puis ?
Plutôt cela que manger ou boire !
- Mais si je vous écrase ensuite en étant couché,
Je vous ferai mal. - Tu as la pensée du Rosso.
Jette-toi sur le lit et sur le plancher.
Sur moi, quand ce serait Marforio
Ou un géant, moi j'en aurais soulas.
Pourvu que tu me touches les moelles et les os.
Avec ce tien divinissime cas
Qui guérit les mirelys de la toux.
- Ouvrez bien les cuisses.
Certes, on pourrait voir des femmes
Mieux vêtues que vous, mais non mieux foutues.
*
Ouvre les cuisses afin que je j'aperçoive bien
Tes belles hanches et ton mirely de face.
O hanches à faire qu'un cas change d'avis !
O mirely qui distille les coeurs par les veines !
Pendant que je vous caresse, voici qu'il me vient
Un caprice de vous baiser à l'improviste,
Et je me parais beaucoup plus beau que Narcisse
Dans le miroir que mon cas allègre tient.
- Ah ! ribaude ! Ah ribaud ! sur la terre et au lit !
Je te vois bien, putain ! et prépare-toi,
Je vais te rompre deux côtes dans la poitrine.
Texte de Pietro Aretino (1492-1556)
Illustration : Peter Johann Geiger, watercolor, 1840