Sonnets luxurieux II
Où le mettrez-vous ? Dis-le de grâce,
Derrière ou devant ? je le voudrais savoir,
Parce que je vous ferai peut-être déplaisir
Si, par-derrière, je me le chasse par malheur.
- Madonna, non ; parce que le mirely rassasie
Le cas à tel point qu'il y a peu de plaisir ;
Mais ce que je fais, je le fais pour ne point paraître
Un Fra Mariano, verbi gratia.
Mais puisque vous voulez tout le cas dans ce pertuis,
Comme veulent les sages, je suis content
Que vous fassiez du mien ce que vous voulez.
Et prenez-le avec la main, mettez-le dedans :
Vous le trouverez aussi utile pour le corps
Que l'est aux malades l'argument.
Et tant de joie je sens
A le sentir dans votre main
Qu'entre nous, je mourrai si nous faisons l'amour.
Ce serait vraiment une couillonnerie,
Ayant le désir de vous prendre maintenant,
Que de vous avoir mis le cas au mirely,
Puisque de l'autre côté pour moi vous n'êtes pas chiche.
Finisse en moi la généalogie !
Je veux vous prendre à l'inverse souvent, souvent,
Puisque le rond est plus différent que la fente
Que la tisane du malvoisie.
- Prends-moi et fais de moi tout ce que tu veux,
Devant, derrière, je me soucie peu
Du lieu où tu feras ton affaire,
Car pour moi, devant, derrière, j'ai le feu,
Et tous les cas qu'ont mulets, ânes et boeufs
N'éteindraient pas de mon ardeur seulement un peu
Et puis, tu serais un homme de peu
De me le faire à l'antique, entre les cuisses :
Moi aussi je le ferais de l'autre côté si j'étais homme.
... à suivre...
Texte de Pietro Aretino (1492-1556)
Illustration : Peter Johann Geiger, watercolor, 1840